C'EST QUAND LA BONNE HEURE ?
L'heure bleue avait ce soir-là le rire jaune des heures qui plombent.
On aurait voulu n'y voir que du bleu. Mais le bleu horizon se changea en azur vermillon. L'orange grondait au dessus de nos têtes. Coup de fourbe. Jeu de drupes.
Du bleu on n'a vu que du feu.
Dans l'embrasement de cette porte ouverte sur le firmament, ciel et terre se sont embrassés tendrement. Firme amants ? Scène de nues offertes au regard de tous. Dans le ciel rouge sang, j'ai cru voir Adam et Rêve chassés du paradis terrestre.
Je croyais pourtant avoir perdu toutes mes illusions.
Incorrigible midinette qui ne peut voir l'horizon s'enflammer sans brûler à son tour. Fleur bleue : espèce d'angélique non protégée.
Être fleur bleue, c'est voir la fille en rose et le mâle nulle part. Avoir un vieux faible pour un jeune éphèbe. Craquer pour un coureur ou tout claquer pour une joggeuse.
Être fleur bleue, c'est rêver de bluette, vouloir compter fleurette, changer d'herbage pour aller chercher le bonheur dans les prés.
Être fleur bleue, c'est se faire effeuiller à perdre les pétales.
Être fleur bleue, c'est prendre le risque de se faire ramasser et puis se ramasser encore.
Être fleur bleue, c'est s'éblouir encore ou s'aveugler toujours. S'en mettre plein la vue pour se sentir en vie. Nyctalope !
Ce soir-là le ciel a finalement décarré sa flamme sur l'horizon. Passion fusionnelle à la con. Éternel recommencement. Le soir qui tombe est-il la fin d'un monde ou le début d'un autre ?
Le bleu s'en va. C'est le blues qui s'installe.
Grise-toi, petite planète et ne laisse jamais noircir ton âme par le prince charbon. L'heure bleue refleu-rira. Ici ou ailleurs.
Demain est un autre jour.
©Françoise Duret