UN PETIT JEU-THÈME POUR SEULE (L)ARME
Faut pacifier
Je ne suis pas en guerre, moi. Je veux continuer à taquiner les oiseaux. Ce matin, je prends de la hauteur sur le mont des lauriers. Le portail du petit cimetière m'interpelle. La paix éternelle est mon berger. Toutefois, chers abreuvoirs-de-sillons, sans trop vous déranger, j'aimerais mourir le plus tard possible, et de ma propre mort.
Animal, on est sacrément mal
Animal sacré, symbole républicain ou parabole catholique ? Que Dieu, s'il existe, tende bien ses antennes. Il est temps de chanter, les deux pieds dans la boue, peut-être, mais debout.
Deux oiseaux, de bonne heure
Quelle roucoulade ! Je vois des signes pacifistes partout. J'ai pas fumé le calumet. Je suis juste un peu oie blanche.
Dévisage cette figure amie
Ton visage s'est assombri depuis ma dernière visite. Si on s'approchait, on y verrait des larmes. Je ne sais pas prier, je ne peux comme toi que pleurer.
Félin soumis
Félix impudicus, en pleine opération de séduction. Un chat, on croit l'apprivoiser mais c'est lui qui vous mène par le bout du minet.
Hombre !
Bel esprit revenant flâner près de ces cénotaphes, je t'imagine légendant toi-même cette photo : « j'irai flasher sur vos tombes ». Homme sweet homme.
Lormon, santé !
Ce nom dé-t-hiné, allégé de l'alphabet, te vient-il de l'ancien régime ou d'une diète plus jeûne ? Lormon, ton sourire ébréché me plaît. J'aime tes imperfections. Je n'ai jamais aimé les canons.
Pucelle qu'on croyait
Et toi, la pucelle, Femen ou fait main ? D'aucuns aimeraient te voiler la face, mais tu n'en as même pas. Tes seins arrogants rayonnent sur le monde. Tu devrais remplacer les bustes de Marianne dans les mairies. Que ton insolente beauté qui se dore la pilule nous préserve, hâtifs, de la connerie.
Relique mais ne reluque pas
Un vestige de vespasienne. De la prouto-histoire ?
Sauvajaune
Elle est flétrie, et jaunie comme un cœur. Bientôt, elle chutera et dévalera la rue sans personne pour la cueillir et la mettre à l'herbier. Feuille folle, tu ne fais que passer.
Un mot de bienvenue
C'est un mot de départ. Un monument aux amis inconnus fauchés trop tôt. L'art de recevoir c'est aussi celui de savoir donner.
Une penchée pour ceux qui restent
Elle me chavire, cette croix qui décroît. Est-ce la tombe de l'homme qui penche sous le poids de la vie ?
Une porte accorte
Elle est fermée mais elle sera bientôt toute verte, recouverte. Et pour l'ouvrir, on pourra s'accrocher.
Je sais, il n'était pas dans la liste. Je m'autorise à l'y ajouter. Chérubin, ange gardien, mais jamais ange déçu. Il prie aussi pour les assassins ; c'est la force des anges. Comme l'écrivait Julos Beaucarne au lendemain de l'assassinat de sa femme, « je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd'hui : Je pense de toutes mes forces qu'il faut s'aimer à tort et à travers. »* A nous de voir ce qu'il nous reste à faire.
*(Lettre ouverte)
©texte et photos Françoise Duret