POUR UN FLEUVE AVEC TOI
Tu viens mon canard ?
Atteindre ton soleil
Encore des grues !
Je te trouble chéri ?
A l'envers ou à l'endroit ?
Noir dessous
T'as un beau CUB
Envole-moi
Avec des tantes
Entre ses jambes
Quel mât !
Flamme tronc
Ce samedi, la Garonne nous a fait tanguer dans son lit, de cinq à sept.
Elle nous attendait, lascive, ondulant entre les mascarons bourgeois de la rive gauche et les friches sans domicile fixe de la rive droite, pour mieux nous attirer.
Sa peau brun chocolat lui vient de loin, des terres ensoleillées, à force de se faire passer dessus par des marins accrochés à leurs bites d’amarrage et des armateurs du commerce à trois. Elle a pris la couleur de la souffrance, de l’esclavage : la catin se pare du noir désir.
Elle est impétueuse, fougueuse et rebelle, résurgence de ses origines pyrénéennes. Elle a transformé le Val d’Aran en valse des reins pour mieux aguicher les chalands et les grimpeurs, démons devenus.
De Toulouse, elle a pris l’amour de la castagne, ramenant de temps en temps des embâcles arrachés à quelques sous-bois riverain qui a voulu impunément profiter de ses charmes sans en payer le prix.
Mais c’est dans les bras de l’océan qu’elle va se jeter éperdument comme une folle, son corps doué fatigué de cette bande de ponts qui l’ont enjambée, de ces hommes qui l’ont reluquée, salie, empoisonnée, infectée. Elle pensera émue à ceux qui l’ont aimée, l’espace d’un instant, caressée à dessein, ou ceux qui se sont jetés dans son lit à corps perdu, pour retrouver pour l’éternité, la douceur d’une mer.
Moi, je suis resté voyeur, la reluquant du coin de l’œil, de haut ou de loin, à l’abri des passes dangereuses mais fasciné par sa beauté et son corps de rives.
©Texte et photos Jean-Louis Bergey