FAIM DU MONDE
© photos et texte Françoise Duret@l'esperluette
Et nous voilà errant dans ces rues désertées. Le ciel est lourd et gris. Le soleil s'est voilé. L'air est pur. Nul parfum ne fait frissonner nos narines. Les hangars évidés hérissent leurs carcasses au dessus de nos têtes. Nous marchons sans crainte par les avenues dégagées de ce qui fut cœur vibrant, corps d'armée, macro-organisme, unité (de lieu et de temps), peloton exécutant, quartier dans la ville, citadelle dans la Bastide. Aujourd'hui sentinelle à l'agonie.
Parfois nous croisons d'autres humains. Nous les saluons brièvement. Ils semblent aussi perdus que nous. Trouveront-ils la sortie ? Est-ce cette porte creusée dans le flanc du casernement ? La bonde de cette douche au milieu de nulle part ? Ce trou d'égout offert aux regards ?
Que s'est-il passé ici ? Le désengagement de l'État (engagez-vous, désengagez-vous, qu'ils disaient) ? L'épuisement du budget des troupes désarmées ? Un crash d'avion, un krach boursier ? Une apocalypse (now) ?
Le terrain éventré, les bombes aérosol-sol jonchant encore la zone semblent le confirmer. Explosions de couleurs, de coulures sur les murs. Dynamitage des cadres esthétiques. Big bang artistique en bandes organisées.
Faim du monde. La culture reprend ses droits, de même que les arbres, les merles et les futaies, les herbes folles et le frais cresson bleu.
Ce n'est qu'une faim, continuons le combat.
Esperlud'vinette (utile en ces temps d'ouverture de la chasse aux plagiaires) : quel dormeur, né de l'imagination d'un poète vendeur d'armes, s'est invité dans ce texte ?
L'esperluette