LES CRIS
© photos et texte Jean-Pierre Carabin
Écrire. Je dois écrire. Les mots me fascinent. J'ai tout écrit en moi. Émoi. Les mots me fascinent et je les façonne, encrés dans ma plume ils courent au papier. Ils coulent à en crier, le mouille à en pleurer. Les mots ainsi trempés inondent des cahiers. Mes maux partent ainsi noircir de longues pages. D'une plume légère coule souvent du plomb. Un sang d'encre. J'ai tous tes cris en moi. A raconter ses mots… Les prendre à bras le corps. Les poser en brassées et puis les étaler jusqu'à ce qu'ils racontent. Mes mots ont une histoire, ils ont muri en moi. Fût de chaines de mots. Certains sont nés fort tard, découverts par hasard. Ils ont grandi alors à côté des anciens, les mots de tous les jours. Certains se sont fanés, on les dit galvaudés, des mots d'occasion que l'on échange pour d'autres. Trop riches parfois, ils restent en vitrine, des émaux en écrin. Dire avec les mots et maudire aussi, faire mal. Quand il ment, le même mot peut détruire. Il peut détruire encore quand il est mal lu ou mal dit. Maudits sont les lapsus qui s'échappent trop vite, comme des aveux. Mots dits dans la colère, écrits dans la rancoeur. On les voudrait voir remonter dans la plume et puis les oublier. Mots d'où, dont on n’a plus de trace. Tous ces mots bannis qui décrivaient les maux du monde. Mots doux, au contraire, à lire à l'envi. Ceux entendus tôt, tendres de la mère. On vieillit avec eux mais ils ne se rident pas. Ces beaux mots d'homme : merci, toi, rire, encore, viens, regarde.
Et le mot "aimer" alors ? Il ne s'écrit pas ? Il s'écrie ou se chuchote du bout de la plume de peur qu'il fasse peur.
Écrire. Le mot est mon psychothérapeute. Je me soigne aux mots. Je me délivre. Souvent dans la douleur.