MARX OU CRÈVE

J'ai jamais aimé les mots d'ordre. Je préfère le mot désordre.

Une manif, c'est le bordel, oui, mais organisé. Prière de ne pas trop déranger... Vous pouvez défiler, OK, mais pas sortir du tracé... et en avant, Marx !

Le service d'ordre (décidément!) vous cadre les manifestants pour éviter que ça déborde, que ça déborde d'elle, que ça débordelle... On lui demande de bien border le défilé, sans doute pour mieux l'endormir. Bientôt, les gros bras non armés des syndicats nous chanteront des berceuses dont les textes auront été écrits et distribués par la Préfecture de peau lisse.

Ce 1er mai-là me lasse.

Défilé de ventres mous. Seuls les travailleurs kurdes semblent avoir encore des combats à mener et l'espoir de les gagner.

Le travailleur français est fatigué. Il y a longtemps qu'il a perdu le sens de la lutte des classes. Il n'a plus soif de conquêtes sociales ni spatiales. Y-a-til une vie sur Marx ?

Ça traîne des pieds. Ça pense que ça aimerait une vie meilleure mais dans une autre vie.

Ça n'y croit plus. Ou alors plus pour longtemps. Ça porte sur le visage les espoirs déçus, les trahisons, les mensonges, les impostures, les désillusions, les peurs de lâcher le pas grand chose qu'on a, des fois qu'il n'y aurait rien après.

Ça se demande si ça ne défile pas pour des clopinettes quand ça ne pense pas carrément marcher au pas cadencé des marchés. Ou bien ça se rassure : « Ah, ça ira, ça ira, ça ira... mieux demain. »

Peut-être est-ce moi qui vieillit. Ou alors le corps social qui expire. La société qui trépasse pendant que les manifs passent.

Comment alors lutter contre l'économie de marcher ?

Rouges sont encore quelques drapeaux, mais noire l'époque. Et grises les mines. Et grises aussi les usines. Quand il en reste.

Sous les pavés, il n'y a plus de plage, même plus de grèves.

A quand la possibilité d'exercer son droit de rêve ?

©FrançoiseDuret&L'esperluette

Comments

[élise]

Wow.

Le droit de rêve, mais tout de suite bien sûr!