TRAIN TRAIN QUOTIDIEN
Je suis en retard pour prendre le train, alors gare à celui qui est sur mon chemin. Je me gare et constate que je dois changer mon train de pneus avant. Je le ferai après. L’essentiel est que je sois bien parqué.
J’entre dans le bâtiment un peu hébété par ma course, les yeux hagards. Mes pensées déraillent. Je cours dans les couloirs, je me perds, je me retrouve, mais au final, je m’égare. Je demande mon chemin à un petit vieux avec un parapluie :
- Le train pour Saint Ouen l’Aumône s’il vous plait ?
- Vous devez aller quai T
- Et pour acheter mon billet ?
- En quai C
Je reprends les couloirs souterrains qui me font penser à l’hôpital, je passe devant le café où un groupe de femmes s’apprête à payer et je trouve enfin la machine à billets. Une jolie femme passe à proximité de moi dans le grand hall. Un moment, j’ai cru qu’elle m’aguichait. Mais non, mon imagination s’égare.
J’arrive sur le quai désert. Je n’aime pas les départs, surtout accompagné. Je préfère les retours : on se retrouve et on s’étreint. Pendant que mes pensées voyageaient au gré de connexions improbables essayant de trouver un sens à la question existentielle « où vais-je ?», le train était arrivé et je ne m’en étais pas aperçu.
- Il faut monter monsieur, me dit le chef de gare
- Je suis en train, je suis en train, mon ami. Je me demandais juste si j’étais sur la bonne voie
- Pour aller à la mer, profiter de la grève c’est sûr ; pour l’au-delà, il faut prendre la direction Pont Saint Esprit. Mais le chemin sera encore long.
- Vous vendez des billets pour le paradis ?
- Oh ! vous savez, nous à la SNCF, on est plutôt spécialisé en fer
Je sens qu’il me raille. Je monte dans le wagon et m’installe confortablement. J’écoute de la musique : du boogie-woogie, forcément !
©Texte et photos Jean-Louis Bergey