CIEL, MON MARAIS !
6h30, dimanche. Me voilà, dans de beaux draps. Du mal à démarrer. La France qui se lève tôt : encore un concept inventé par un insomniaque.
Petit matin pluvieux, ciel gris. Souris, souris, t'as rendez-vous !
Qu'il est long le chemin de la vie. Mes parents me l'avaient bien dit en me la donnant.
A 8h, y a manif devant le fronton populaire. Rassemblement de presqu'îliens. Comme un rendez-vous de chasseurs qu'auraient égaré leurs pétoires et qui se retrouveraient pour se perdre dans l'immensité des marais. Ce plat pays qu'est pas le mien.
Grand corps balade : 105 randonneurs en rang d'oignons baguenaudent dans les marécages. L'esperluette (deux courageux !) fait frisette au milieu de cette grande boucle.
Enfant des villes perdue dans la zone de la zone humide, l'espèce rare c'est bien moi qui confond tous les volatiles et me fond avec peine dans la nasse.
Immersion totale des bottes. J'aime à prendre mon bain debout. « Ici, la terre est amoureuse, » dit un marcheur avec appétit. Mais les anciens, à la pause picrate, roulent des yeux formidables en racontant les trous sans fond qui avalent parfois les promeneurs en cavale. Dans l'espace vert, personne ne vous entendra crier... Penser à ne pas trop s'écarter du chemin... Éviter de sombrer dans l'eau de là.
Entre ciel et étang, entre deux eaux, les nuages embrassent les flots, tout se dissous. A peine quelques joncs pour griffer l'horizon et tracer des runes sur la lagune. Alphabet éphémère. Abc d'air. Insoutenable légèreté des lettres. Terre de caractères.
©texte et photos Françoise Duret@L'esperluette