FRICHE AND CHEAP
Belle abandonnée, jamais vraiment désertée...
Autrefois les troufions rêvaient de faire le mur. Aujourd'hui tes portes ouvertes laissent passer quantités d'aspirants soupirants, magnétisés par tes murs mûrs. Tes barrières tombent. Bientôt le quartier Niel sera éco-quartier. Écho logique à ton passé guerrier, on transforme ton béton armée en vert solidaire. Marchands de rêves contre marchands de canons. Pas de nostalgie pourtant. Mort aux combats et morts aux cons ! Rappelle-toi, barbarie, quelle connerie la guerre !
Belle abandonnée...
Tes hangars à ciel ouvert laissent apercevoir ton corsage, ourlé de verdure citadine. Baleines échouées, gaines de fer dans une gangue de velours. Des gangs de gagas se promènent dans tes allées comme on visite un musée, comme on va au zoo, comme on fait une rando. Lâcher de touristes japonais qu'auraient jamais vu le Japon. J'en suis moi aussi. Débridée. J'explore. Je dévore. Je fais collection. J'ai l'appareil photo Canon et je bombarde le monde de questions. Les photos apportent-elles vraiment les réponses ?
Ou bien comme disait l'autre jour Alex, le peintre cueilleur de déchets, la vérité ne se trouve-t-elle pas entre les images ? Là où on pose soudain l'appareil photo, où on ne pose plus de questions. Là où l'on croise l'autre, le graffeur hâbleur, le type chalumé au bob retroussé, le petit guetteur aux yeux vifs, le photo mateur à œil unique... Là où la rencontre peut enfin avoir lieu.
© texte et photos Françoise Duret@L'esperluette